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17 mars 2010 3 17 /03 /mars /2010 12:13

4290184021_f720db05a9.jpgLe politicien, fier de sa victoire, exhibait sur son visage l’expression orgueilleuse de triomphe que suscitait cet accord de paix définitive. Trop heureux de ne pas démériter de la patrie, Daladier ressentait cet accord comme une victoire personnelle sur la guerre. Ce jour là, la France entière, aveuglée par son désir de paix et à peine sortie de la crise économique, s’endormait sur les lauriers poussiéreux de la guerre de 14-18.

Lorsque l’hymne s’acheva, Daladier entama son discours sur la grande entente franco-allemande ratifiée à Munich : « Non, l’Allemagne n’est pas l’ennemi naturel de la France… »

Dans l’immense foule entassée au pied du podium, l’oncle Jean tenait Henri par la main, l’écrasant plus ou moins en fonction du propos démagogique de Daladier. Contrit, parfois stupéfait, souvent affligé, l’oncle jean martelait le sol du pied, en signe d’impatience. Autour d’eux, la foule amassée comme un seul homme, clamait sa joie et son soutien au politicien qui, au milieu de l’estrade, entouré des officiels, illustrait son discours de nombreux gestes. Henri se souvint avoir pensé que, s’il se mettait à pleuvoir, eux au moins seraient protégés.

A cette époque il ne faisait aucun doute que l’accord de Munich fut la seule issue pour la France. Cette France qui, encore une fois, n’avait pas su se préparer à temps, n’avait pas voulu voir l’inexorable montée des extrémismes de tout poil. Ce peuple gaulois qui, bien que ne manquant pas de courage, avait prouvé dans son histoire qu’il savait mieux résister à la tyrannie en place que d’empêcher sa croissance en son sein. Ce peuple gaulois qui, rempli d’une confiance aveugle dans sa classe politique, n’avait pas su voir les manipulations délictueuses d’une certaine classe niant sa souveraineté (la cinquième colonne était née). Ce peuple gaulois enfin, qui, lassé des guerres qu’on lui imposait, était prêt à accepter toutes les compromissions. Comment lui en vouloir à cette France, suivant le cortège des « pays autruches » qui préféraient dîner à la table du diable plutôt que de le servir ? Où va donc se nicher l’honneur d’une nation ?

Sur la place d’Etretat, donc, Daladier recevait les acclamations qu’il croyait méritées. Acclamations unanimes et sincères d’un peuple marqué par les guerres et soumis à la pesante inertie des mentalités conservatrices. Lorsque Daladier finit son discours, il reçoit les applaudissements fournis, comme la récompense d’un travail chèrement payé…

Seul l’oncle Jean, l’expression d’affliction au visage, n’applaudit pas. Statufié de voir autant de naïveté dans ce peuple qui est le sien, il se contentait de sourire amèrement en réponse au monsieur en redingote qui l’exhortait du coude à se joindre à la liesse populaire.

Puis, calmement, et sans aucune agressivité, lorsque les clameurs se furent tues, alors même que les officiels s’apprêtaient à quitter l’estrade, dans un silence assourdissant, l’oncle Jean interpella Daladier de sa voix forte : « Monsieur Daladier, pensez-vous vraiment que l’accord de Munich empêchera les nazis d’envahir la France si bon leur semble ? N’est ce pas plutôt un leurre pour une populace en mal de sécurité et destiné à rassurer les possesseurs de capital ? »

Henri, qui tenait toujours la main de son oncle, sentit les regards l’entourer. Mais l’intervention de l’oncle Jean, par sa spontanéité, par sa soudaineté, par son impudence, l’avait porté, lui, le petit garçon de quelques printemps, comme au cœur de l’Histoire. Du moins c’était l’effet que cela lui faisait. Il s’en senti comme auréolé, des lauriers qui marquent les grands Hommes de notre temps.

Peu importe quelle fût la réponse du politicien, fi de l’indignation générale, de toute façon, Henri n’était pas certain de comprendre ces histoires de grands, l’essentiel était qu’il lui semblait être porté, lui aussi, vers les sommets, et que d’une certaine manière, cette auréole devenait aussi la sienne.

Dans les années qui suivirent, Henri en fut exagérément reconnaissant à son oncle et porta une admiration quasiment sans bornes à l’homme qui avait osé interpeller Daladier.

 

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