(sur l'air de "Un homme O comme ils disent"
Le vieux
J'habitais seul un appartement
Dans un très vieil arrondissement
De la capitale
Entouré de souvenirs encadrés
De bibelots mal nettoyés
C'était habitable
Tous mes amis depuis sont morts
De maladie ou de remords
Impardonnables
Je suis un vieil homme solitaire
Qui n'a plus d'envies ni repères
C'est bien égal
Ma femme n'est plus depuis longtemps
Mon chien Gaspar n'a plus de dents
Incomparable
J'ai bien connu toutes les guerres
De la grande à celle d'Hitler
C'est regrettable
Le Front populaire, les congés payés
Haroun Tazieff, Hélène Boucher
Des mémorables
J'ai été cantonnier à mes débuts
Toute la France j'ai parcouru
De ferme en étable
J'ai fini dans l'administration
Chef de service à Alençon
C'était rentable
Un beau magot mis à la banque
Amassé pour qu'il ne manque
Rien à ma table
Maintenant je n'ai plus un rond
Depuis qu'ils m'ont mis sous administration
Tutorale
Mes petits enfants disent que je n'ai plus
Toute ma raison ni ma vue
C'est infernale
Ils m'ont mis dans un établissement
Avec des vieux passablement
Incurables
Après tout ce que j'ai fait pour eux
Les guerres, les manifs, les gardes un peu
C'est minable
Ils passent me voir de temps en temps
A chaque été quand ils ont le cran
C'est charitable
Ce mardi ils seront là
En rang d'oignons, les mains en bas
Le sourire gras, le regard plat
Car aujourd'hui j'ai cent ans
Un âge qui sonne rond comme quand
J'avais du fric en pagaille
Je suis comme ils disent une "antiquaille"